The Secret Man – Mark Felt : l’Amérique parasitée

De l’affaire du Watergate, tout le monde a retenu les grandes lignes : mises sur écoute illégales, enquête journalistique de Carl Bernstein et Bob Woodward, paranoïa de tous les côtés au gouvernement et démission de Richard Nixon. L’enquête de Woodward et Bernstein, célèbre pour avoir inspiré l’incontournable Les Hommes du Président, n’aurait sans doute pas eu le même effet si le mystérieux Gorge Profonde ne leur avait pas donné d’informations précieuses. Ce fameux Gorge Profonde (nom emprunté au célèbre film pornographique sorti en 1972), longtemps soupçonné d’être un agent du FBI assez influent, a finalement révélé son identité en 2005. Mais qu’est-ce qui a poussé Mark Felt, numéro 2 du FBI, fidèle du Bureau depuis près de trente ans, à aller dénoncer les dérives du gouvernement Nixon ? C’est ce à quoi s’intéresse The Secret Man – Mark Felt.

Peter Landesman (Parkland, Seul contre tous) s’est toujours intéressé aux scandales de l’Amérique. Réalisateur peu subtil, abusant d’effets de montage, il trouve avec The Secret Man l’écrin idéal pour explorer les failles d’une Amérique parasitée par la corruption et l’abus de pouvoir. Pouvant se voir parallèlement aux Hommes du Président sans pour autant en avoir l’ampleur, The Secret Man est néanmoins un film passionnant sur une affaire complexe et sur un homme qui l’est tout autant. Car Mark Felt a tout de l’agent intègre mais s’il est fidèle à une chose, c’est au FBI et pas au gouvernement. Sur les raisons qui ont pu le pousser à devenir Gorge profonde, le film avance deux idées, indéniablement complémentaires. A la mort d’Edgar Hoover, Felt, fidèle numéro 2, s’attendait à être nommé directeur. Sa déception fut immense quand Patrick Gray, obéissant aux ordres de la Maison-Blanche, fut placé sur le poste. Il y a donc eu de la rancœur mais il y a aussi eu une question de loyauté et d’intégrité. Plaçant très haut les valeurs du FBI, organisme indépendant n’ayant pas à répondre à qui que ce soit, Felt a vu d’un mauvais œil le fait que Nixon vienne piétiner ses plates-bandes, bafouant ainsi une institution en laquelle il vouait une loyauté indéfectible.

Complexe, The Secret Man nous fait suivre Mark Felt de près et déroule ainsi un fil rouge tout à fait passionnant. Nous plongeant dans des institutions rongées par la corruption, Peter Landesman nous donne le tournis et dévoile une politique de l’ombre tout à fait terrifiante où chacun peut sauter du jour au lendemain. S’il est bon pour maintenir la tension au sein d’un scénario plutôt habile, le film n’est pas toujours très réussi, notamment lorsqu’il s’attarde sur la vie familiale de Felt, hantée par l’absence d’une fille partie vivre dans des communautés proches du Weather Underground. Une histoire que l’on devine essentielle chez les Felt mais que l’on ne ressent pas toujours, notamment à travers le personnage de la femme de Felt (Diane Lane), sous-exploité.

Reste aussi bien évidemment quelques mystères çà et là, peu éclairés par un scénario dont on aurait aimé qu’il nous dévoile plus d’éléments. Landesman, bien que continuant ses tics de mise en scène, parvient néanmoins à insuffler une vraie tension dans son récit qui doit beaucoup à la prestation de Liam Neeson. L’acteur, depuis trop longtemps perdu dans des films d’action nerveux et fades, donne corps à Mark Felt avec une véritable intensité qui fait plaisir à voir, faisant de son interprétation le point d’ancrage d’un film aux ramifications passionnantes.

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