Thor Ragnarok : déconnant, coloré et régressif

Jusque là, la saga Thor était constituée des films les plus faibles du MCU. En dépit de son univers foisonnant et de son histoire shakespearienne, le héros asgardien n’avait pas vraiment trouvé sa place dans ses films en solo. La faute à un premier opus trop plat et à un second volet trop bâclé pour franchement convaincre en dépit de certaines qualités. Avec Thor : Ragnarok, la saga change radicalement de registre et prend un sacré virage ! Exit le drame shakespearien et place à un film pop, fun et décomplexé. Impossible de ne pas voir dans le travail de Taika Waititi l’influence de James Gunn et de ses Gardiens de la Galaxie. Car les couleurs ternes des opus précédents font ici place à un univers coloré où l’on privilégie l’exotisme et l’humour. Une sacrée couche d’humour !

Les enjeux dramatiques sont pourtant élevés : Odin disparu, la déesse de la mort Hela refait surface pour détruire Asgard et envoie Thor sur la planète Sakaar où il est fait gladiateur. Pour l’amusement du Grand Maître de la planète (Jeff Goldblum, en cabotinage total), Thor va se retrouver dans une arène à se battre contre son ancien allié : Hulk. Il faudra beaucoup de courage et de détermination pour que Thor, aidé par ses nouveaux alliés, regagne Asgard pour la sauver…

A priori donc, pas de quoi se marrer dans ce troisième film dont le titre – Ragnarok – évoque l’Apocalypse. Pourtant Taika Waititi et les scénaristes ont décidé de tout miser sur la carte du fun, de la dérision et de la couleur. Tout dans le film rappelle les années 80 (du logo du titre à la bande-originale avec beaucoup de synthé), lorgne du côté de Flash Gordon et du serial qui ne se prend pas la tête. Le plaisir passe avant tout et autant le dire tout de suite, il est total. On s’amuse comme des petits fous à suivre les mésaventures de Thor, de ses retrouvailles brutales avec Hulk à ses conflits avec Loki. Sacrément réjouissant et très drôle quand il part dans une dynamique de buddy-movie (avec Hulk, Loki ou la très belle Valkyrie), Thor : Ragnarok montre tout de même certaines limites.

En lorgnant vers un humour empêchant tout enjeu dramatique d’atteindre son potentiel, le film tâche de reproduire le schéma des Gardiens de la Galaxie sans en avoir la profondeur dramatique au niveau de l’écriture des personnages. A côté de Star-Lord, Rocket ou Gamora, les personnages de Ragnarok font office de pions essentiellement réduits à une fonction. Si les rebondissements du scénario n’empêchent pas une certaine évolution des personnages, force est de reconnaître que l’humour régressif du film est aussi bien sa force (Thor se prenait bien trop au sérieux auparavant) que sa faiblesse, finissant par nuire au sérieux de l’ensemble, enchaînant certains gags avec un rythme et une gratuité ahurissants. Jamais on n’avait vu un film Marvel aussi déconnant et si cela fait du bien, cela rend Ragnarok un poil superficiel, pas toujours capable de créer une véritable émotion à la hauteur des enjeux dramatiques, pourtant intéressants (notamment quand cela concerne certains mensonges d’Odin).

Reste alors un film totalement surprenant où tout le monde, en dépit d’un budget faramineux (180 millions de dollars), semble s’amuser comme des gosses à une immense fête foraine. Chris Hemsworth, Mark Ruffalo, Tom Hiddleston, Tessa Thompson, Cate Blanchett, Karl Urban et Jeff Goldblum ont l’air de prendre un malin plaisir à tenir leur rôle dans un film aussi décomplexé ne manquant pas de surprises jusque dans ses irrésistibles caméos. S’il est sans conteste le meilleur des films Thor, cela n’en fait certes pas un chef-d’œuvre. Nul doute cependant que sa vision, totalement rafraîchissante et bourrée d’énergie positive à moitié sous acide, saura en faire une œuvre appréciée qui se savoure sans aucun complexe.