La Symphonie des héros : Même les nazis sont mélomanes

De tous les films édités par Elephant Films depuis le 5 septembre dernier, La Symphonie des héros est celui qui nous emballait le moins. Il avait quelques airs de déjà-vu et semblait être assez classique. Le tort qui nous est fait en le visionnant est de ceux qui sont agréables. Car La Symphonie des héros, non content d’être bon film, pose quelques réflexions intéressantes au sein d’un genre maintes fois exploité au cinéma : le film de guerre et plus précisément ici, le film d’évasion en temps de guerre.

Seul film du lot proposé par Elephant à être sorti dans les années 60 (1968 pour être précis, la même année où Charlton Heston débarqua sur La Planète des singes), La Symphonie des héros se déroule donc pendant la seconde guerre mondiale, en 1944. Illustre chef d’orchestre, Lionel Evans se produit en Belgique avec ses 70 musiciens pour plusieurs séries de concerts censés gonfler le moral des troupes alliées. Ils sont malheureusement interrompus par une offensive allemande menant une attaque impitoyable, tuant chaque soldat ennemi qui se trouve sur son passage. Capturé avec son orchestre et prêt à être fusillé, Evans invoque la Convention de Genève. Alors qu’un colonel entend bien les exécuter, le général allemand Schiller, grand mélomane décide de les garder en vie et réclame un concert. D’abord réticent à cette idée, Evans accepte, profitant des répétitions pour tâcher d’organiser leur évasion…

Classique dans sa construction, La Symphonie des héros frappe par sa narration limpide et l’efficacité de son récit. Contrairement à Sauvez le Neptune où chaque nœud d’intérêt était sacrifié par un scénario en manque d’inspiration et par une réalisation fade, La Symphonie des héros bénéficie de la réalisation éclairée de Ralph Nelson, apportant de la tension dans chacune des scènes, notamment une mémorable où le colonel nazi, soupçonnant qu’un soldat se cache parmi les musiciens, lui demande de jouer quelque chose et que ce dernier joue le seul morceau qu’il connaît : l’hymne américain !

Avec son décor de château gothique hivernal, La Symphonie des héros a un charme fou. Le film, outre son côté original avec son orchestre symphonique perdu au milieu de la guerre, passionne pour deux choses. D’abord son suspense, habilement entretenu : Evans jouera-t-il pour Schiller ? Schiller attend-t-il d’avoir son concert pour tous les tuer ? Et puis aussi sa tension psychologique. Car le film a beau avoir le contexte de la guerre, il n’est guère spectaculaire sauf pour la scène finale, plus mouvementée que les autres. Le reste est surtout composé de morceaux musicaux joués suffisamment forts pour couvrir le bruit d’une évasion et de conversations pleines de tension entre Evans et Schiller.

La réussite du film, au-delà de se reposer énormément sur le charisme monstre de Charlton Heston et Maximilian Schell, tient dans les similitudes de caractère entre Evans et Schiller. Les deux hommes ont beau être ennemis, ils possèdent tous deux un orgueil et un ego démesurés, chacun se pensant meilleur que l’autre. Ces similitudes de caractère rendent le personnage d’Evans d’autant plus fascinant qu’il n’a rien d’un héros, bien au contraire, il fait parfois montre de peu de scrupules et ne mâche pas ses mots, semblant parfois préférer son art à ses musiciens. Et si Heston a toujours l’air d’un dur à cuire, même en chef d’orchestre, il offre une composition tout à fait solide dans ce rôle, achevant de faire de cette Symphonie des héros une œuvre bourrée de qualités que l’on découvre aujourd’hui avec un sacré plaisir qui ne se refuse pas.

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