Picnic : jeunesse gâchée et espoirs déçus

Sorti en vidéo en même temps que Soudain l’été dernier le 23 août dernier, Picnic continue l’exploration du mélodrame américain que Carlotta nous a offert. Genre dominant dans le cinéma américain des années 50, le mélodrame a eu ses heures de gloire, avec Douglas Sirk, Tennessee Williams mais aussi avec d’autres auteurs un peu moins connus dont William Inge.

Monté à Broadway en 1953, Picnic s’attire suffisamment de succès pour qu’Hollywood s’y intéresse, confiant les rênes de la réalisation à Joshua Logan, metteur en scène de la pièce. Le format cinématographique va permettre à Logan d’explorer encore plus les thématiques de la pièce et de s’attarder sur certains éléments, notamment ceux du pique-nique en question, hors-champ dans la pièce mais bien filmé dans toute sa splendeur dans le film, moment de pause bucolique dans un long-métrage qui est pourtant loin de l’être.

Picnic narre la rencontre entre deux jeunes gens perdus, deux gloires du lycée qui n’ont pas forcément été gâtés par la vie, se trouvant en deçà de leurs espoirs. Hal Carter est quasiment un vagabond débarquant dans une ville du Kansas pour y rencontrer un ancien camarade de fac afin de décrocher un travail. Vedette de ses années d’étude, sportif émérite, il se cherche une place dans la vie. De son côté, Madge, vendeuse dans un magasin, souhaiterait être plus qu’une jolie fille, compliment qu’on lui rabâche à longueur de journée. Madge, poussée par sa mère dans les bras (et le lit) d’un riche héritier, va pourtant entrevoir une vie différente en rencontrant Hal. Évidemment, cela ne mettra pas tout le monde d’accord…

Sorti la même année que La Fureur de vivre, Picnic met lui aussi en exergue les difficultés des jeunes des années 50 à s’adapter à une vie déjà modelée par leurs parents. Si le film s’attarde volontiers sur Hal et Madge, il prend tout de même le soin d’étoffer les personnages secondaires. On y croise donc une institutrice se vantant d’être indépendante mais finalement désespérée de se marier pour avoir une situation ainsi que Millie, la petite sœur de Madge (étonnante Susan Strasberg dans un rôle aussi fort que celui de Kim Novak), gamine intelligente sur qui plane l’ombre de sa superbe grande sœur.

Le pique-nique du titre servira finalement de prétexte pour que les personnages soient confrontés à leurs propres démons et que les préjugés ressortent. Dans cette ville du Kansas tranquille, Hal Carter vient perturber l’ordre des choses, laissant Madge apercevoir une vie moins rangée, certainement plus pauvre mais forcément plus libre.

Mélo total, Picnic n’hésite pas à tirer un peu trop sur quelques cordes sensibles et a parfois l’air un peu pompeux avec tous ses personnages qui s’épanchent et qui se plaignent. C’est évidemment très bavard et parfois peu subtil mais Joshua Logan s’en sort merveilleusement bien. S’il se fait plaisir lors des scènes du pique-nique, il sublime également d’autres moments comme celui d’une danse nocturne entre William Holden et Kim Novak. Sans hésiter, il prive généreusement William Holden de sa chemise (déchirée ou enlevée) et filme son corps comme celui d’une véritable pin-up au masculin. Holden, âgé de 37 ans au moment du tournage, se montre en grande forme, assumant son corps avec aisance et formant un très beau couple avec une Kim Novak alors débutante et totalement séduisante.

Assez cruel, ne décidant pas à l’avance du destin de ses personnages, Picnic laisse entrevoir plusieurs futurs possibles sans jamais vraiment se décider. Malgré les notes positives que le récit apporte, il reste cependant profondément mélancolique, comme si certaines choses étaient inéluctables pour ses personnages, coincés à jamais dans une vie qui ne leur correspond pas. Bouleversant et émouvant, le film ménage de superbes moments, laissant à Joshua Logan l’occasion de donner corps à un texte bourré de désillusions.

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