Death Note (Evolution) 2017 : Adaptation ou… simple inspiration ?

Tout ce qu’on dit avant le mot « Mais » ne compte pas.

Death Note est un manga écrit par Tsugumi Ôba et illustré graphiquement par Takeshi Obata, sorti au Japon en 2003 et en France en 2007, les deux auteurs ont ensuite créé les mangas Bakuman et Platinum End. Mais ici, nous ne sommes pas au procès du manga. L’œuvre a été adaptée en série animée au Japon en 2006, mais nous ne sommes pas au procès de l’anime. Les fans ont aussi eu droit à trois adaptations japonaises en films lives, comprenez en prises de vues réelles. Des films qui ont eu du mal à se frayer un chemin jusqu’en France même s’ils sont tout de même disponible en DVD. Mais nous n’aborderons pas ces adaptations ici, enfin rien qu’un petit peu. Non, aujourd’hui nous parlerons de l’adaptation produite par Netflix et réalisé par Adam Wingard (You’re Next, The Guest) sortie cet été. Oui, tout le monde en a déjà parlé.

L’histoire de base, beaucoup la connaissent déjà, le Death Note atterrit sur Terre et il est ramassé par un jeune lycéen du nom de Light – ici Turner – qui décide alors de purger le monde des criminels. Ainsi que du Mal en général car on sait dans l’œuvre originale qu’il punit aussi bien les criminels reconnus que les individus qui commettent des actes immoraux, *tousse* les politiques *tousse*. Il est accompagné du dieu de la mort Ryûk, l’ancien propriétaire du Death Note et qui, de plus, possède une apparence tout à fait atypique. Light sera reconnu par le monde comme Kira, le Dieu/tueur capable de punir les mauvaises personnes. Kira se retrouve alors face au plus grand détective du monde, L., héros de la justice qui se fixera comme objectif de l’arrêter.

Death Note Netflix 2017 Critique L Kira Light bar restaurant
Confrontation entre L et Kira/Light Turner

Le manga Death Note aura soulevé des questions éthiques et morales dans le monde entier auprès des lecteurs, enfin auprès des collégiens et lycéens parce que ça reste un shônen. Le manga a ses limites, il faut bien se l’avouer. Mais cela reste une force car l’histoire a permis de viser un lectorat plutôt jeune et donc de poser des questions d’ordre moral à un jeune public qu’il est favorable de faire réfléchir aux questions que soulève Death Note. Par conséquent, malgré tout ce qui va suivre dans cet article, il y a une chose qu’on ne pourra pas enlever à cette adaptation : Si elle a permis à un nouveau public de se poser les bonnes questions ou même de s’intéresser à l’œuvre d’origine, on pourra dire qu’elle a fait le taf. Le manga, pas l’anime, parce que l’anime en plus d’être pauvre graphiquement atténue pas mal la violence de la fin et ne parlons pas de cette scène crypto-gay de séchage/massage de pied.

Mais il y a une première chose a relevé d’un point de vue adaptation. Même si autant que faire se peut nous souhaitons éviter un simple bashing de type « Ouin ! Dans l’anime ça ne se passe pas comme ça ! ». Oui, « anime » parce qu’étrangement les américains n’ont eu de cesse de comparer le film à la série animée plutôt qu’avec le manga tout simplement. C’est aussi pour ça qu’on reste les numéros #2 de la consommation de mangas en France. Nous disions donc, un point important qu’on retrouve dès le début du film, Light Turner est basiquement un geek, maltraité au lycée par des petites brutes et on sait qu’il est supérieurement intelligent car il fait les devoirs de maths de ses camarades. Tandis que Light Yagami est le lycéen parfait, parfait en tout point, intelligent, sportif, beau et une attitude en société admirable pour la culture japonaise. Dans l’œuvre originale, Light Yagami est imbu de lui-même et ce qu’il fait du Death Note vient d’un système de pensées qu’il possédait déjà avant. Mais le Death Note il ne l’obtient que par hasard, comme expliqué par Ryûk, il n’a fait que le ramasser, ça aurait pu tomber sur n’importe qui. De cette manière, Light Yagami se prend une claque, lui qui se pensait exceptionnel, dans les yeux d’un dieu de la mort il n’est rien qu’un humain comme un autre. À l’inverse de Light Turner, dans le film Ryûk nous dit qu’il l’a choisi pour être le nouveau possesseur du Death Note ce qui donne cette image cliché d’être élu qui n’est pas exceptionnel par ses actes mais par sa seule existence. 

Parlons du personnage de Ryûk, une des seules qualités qui rachète le film est la prestation de Willem Dafoe, le jeu d’acteur est excellent et on a du mal à imaginer une autre voix que la sienne sortant de la bouche du dieu de la mort. Les avis sur le design sont mitigés. D’une part, le Ryûk de Netflix a une apparence bien plus organique que celle des films japonais. De ce fait sa présence à l’écran est bien plus marquante. Mais il s’éloigne de l’apparence d’origine de Ryûk et on perd cette disproportion des membres et ce faciès si particulier pour quelque chose de plus humain. Le Ryûk de Netflix possède des mensurations plus humaines, on a du mal à l’imaginer faisant plus d’1m80 la plupart du temps, et un visage entre gobelins et humain. Nous sommes loin d’un Ryûk aux longs bras, aux longues jambes, au visage lisse et épuré faisant ressortir ses yeux et sa mâchoire. Cependant, rien que pour Willem Dafoe, Ryûk aurait mérité plus de présence à l’écran.

Death Note Netflix 2017 Critique Ryuk ombre
Le personnage de Ryûk dans l’ombre

Le traitement des personnages en est chamboulé. Ryûk étant devenu l’antagoniste de l’histoire il n’apparaît à l’écran que pour de rares scènes. Un personnage devant être l’image du spectateur dans le film, neutre et observateur, souvent la source d’humour dans l’œuvre qui crée un décalage. Ici, nous avons un personnage ressemblant à un monstre donc c’est le méchant. Faire de Ryûk le méchant de l’histoire en devient d’abord cliché. Mais surtout, ça ne laisse jamais de place à un Light Turner « vilain » dans l’histoire. Un Light Turner qu’on dépossède de toute ambiguïté morale. Les personnages de Mia et Ryûk servent de boucliers, ils font les choix qu’un héros lambda ne devrait pas faire, tuer des innocents ou même commencer à utiliser le Death Note. Les agents du FBI sont tués par Mia, et elle comme Ryûk font pression pendant toute la durée du film sur Light pour qu’il utilise le Death Note. Le film souffre d’un manque cruel d’originalité et de personnalité.

Le personnage de Light manque cruellement d’intelligence et c’est le dernier acte qui montre comment aurait dû être tout le film et comment aurait dû agir le personnage de Light. La différence notable entre Yagami et Turner est que, comme dit plus haut, Yagami est l’idole de son lycée japonais tandis que Turner est un paria, car un personnage comme Yagami serait un paria dans un lycée américain. Pourquoi ? Car le personnage de Light est intelligent, une caractéristique félicitée dans une société et réprimandée dans l’autre. Mais si Turner ne montre aucune intelligence particulière et n’est intelligent que parce qu’on nous dit qu’il l’est, pourquoi ne pas en avoir fait un sportif de son lycée, admiré de tous, sans en faire un cancre ? En somme, il aurait été plus judicieux d’adapter le caractère du héros en fonction de la mentalité du pays dans lequel il évolue plutôt que de seulement transposer une partie de son caractère sans prendre en compte ce que ces changements impliquent. 

Pourquoi le personnage de L n’a pas été abordé jusqu’à maintenant ? Car le personnage de L n’est pas important dans le film et n’apporte strictement rien. Il n’a pour conséquence que de donner une fin ouverte pour faire une suite si le film fonctionne.

Death Note n’est qu’un teen movie comme un autre dont on a repris les cahiers des charges en le saupoudrant du vrai Death Note. Le film n’est pas une adaptation, mais une simple inspiration. Il aurait sûrement gagné bien plus en ne reprenant que le concept du Death Note et en inventant le reste : un autre dieu de la mort, des personnages totalement différents. De cette manière, Netflix aurait pu s’approprier bien plus facilement l’œuvre sans que tout le monde ne compare le film au manga. Ils ont trouvé le juste milieu entre assez proche de l’œuvre originale pour que ce soit bon et assez éloigné pour avoir quelque chose de nouveau et bon à sa manière. Ce film est devenu trop éloigné de l’œuvre originale pour être une bonne adaptation et trop éloigné de la nouveauté pour être un bon film en lui-même.

Death Note Netflix 2017 Critique Light Mia bal
Light Turner et Mia Sutton au bal d’hiver du lycée

La vision approximative, les détails foireux et les incohérences vous sortiront du film. On peut par exemple parler de Light dont la première action est d’en parler à une fille seulement parce qu’il a flashé sur elle. De Ryûk qui se veut menaçant en disant que personne n’a jamais été plus loin que 2 lettres en voulant écrire « Ryûk » dans le Death Note alors qu’on VOIT marqué « Ryûk » dans le Death Note, noir sur blanc. Light et Mia parlant en public du Death Note. De l’absence totale de morts par crises cardiaques dans le film alors que c’est normalement la signature du Death Note pour laisser place à des morts de Destination Finale, violentes et sanglantes. On peut aussi parler de L, le plus grand détective du monde dont on nous rebat les oreilles de l’intelligence sans nous la montrer. Le réalisateur aura oublié ces mots plein de sens qui font l’essence du cinéma « Show, don’t tell ». En revanche, comparé à ce qu’on pourrait attendre de L, il n’a aucun mal à montrer son visage à un criminel dont il a pu déduire qu’il pouvait tuer par sa simple volonté. Un L un peu trop guidé par ses émotions suite à la mort de Watari. D’ailleurs, il est clairement stipulé dans les règles de ce Death Note qu’il faut connaître le nom et le prénom de la victime pour que la mort ait lieu, mais il semblerait que seulement un pseudonyme fonctionne aussi. À ce moment, pourquoi ne pas avoir simplement marqué « L » dans le Death Note. Puisque apparemment les règles…

Death Note ressemble à un film basique plus créé par des producteurs que par un réalisateur. Même si, quand on regarde la filmographie d’Adam Wingard, on peut se demander si le fait que le film ait été pris en main par les producteurs n’est pas la meilleure chose qui pouvait arriver. Entre le slasher You’re Next si mauvais et si convenu qu’il en est hilarant et le remake du Projet Blair Witch qui a fait parler de lui en des propos peu élogieux. On est en droit de se demander si pour une fois, la mainmise des producteurs sur le film n’est pas une bonne chose.

Néanmoins, le film n’est pas dépourvu de qualités. Visuellement, les lumières et l’étalonnage ne sont pas mauvais et parfois attrayants. Malgré moins de temps à l’écran qu’il aurait été préférable pour Willem Dafoe et son Ryûk, il est un grand atout pour le film. De même que Shea Whigham en James Turner, le jeu d’acteur est juste et le personnage n’est pas dénué d’intérêt.

Death Note Netflix 2017 Critique L conférence presse
L en conférence de presse

Est-ce qu’en laissant de côté l’adaptation, le film est bon ? Death Note est un teen movie calqué sur n’importe quel autre teen movie. Le héros obtient une habileté extraordinaire, avec ce nouveau don que cherche-t-il à faire ? Impressionner la fille sur qui il a des vues. Il vit dans un foyer dysfonctionnel depuis la mort de sa mère. Dans Death Note il aurait dû s’agir d’un anti-héros, mais les événements sont retournés de telle sorte que Light n’a de cesse que d’essayer de faire les bons choix. Un personnage sans réelles nuances, malheureux pour quiconque chercherait à comparer Light Yagami et Light Turner.

Vous voulez voir de meilleurs films ? Regardez Chronicle ou Kick Ass. Lisez le manga Death Note. Vous voulez voir un moment un tant soit peu digne du manga, regardez juste le twist dans le dernier acte de ce film Death Note.

2 Rétroliens / Pings

  1. Devilman Crybaby : Faire pleurer le diable - Close-Up Magazine
  2. Fullmetal Alchemist : J'ai les mêmes à la Japan Expo - Close-Up Magazine

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*