Wind River : mort dans la neige et le silence

Après avoir signé les scénarios de Sicario et de Comancheria, Taylor Sheridan décide de repasser à la réalisation après l’expérience malheureuse de Vile en 2011 qu’il préférerait oublier. Wind River s’envisage donc comme le véritable commencement de la carrière de réalisateur de Sheridan ainsi que sa poursuite de l’exploration d’une Amérique de plus en plus gangrenée par la violence.

Une fois de plus, il s’intéresse à ceux que l’Amérique a laissé sur le carreau, les Indiens vivant dans des réserves sans aucune chance d’avenir, coincés dans une région où il ne leur reste plus que la neige et le silence tandis que leurs disparus ne rentrent même pas en compte dans les statistiques d’un pays qui s’obstine encore à les ignorer après les avoir massacré.

C’est dans une région transie par le froid que le corps d’une jeune femme est découvert et que le FBI envoie une jeune recrue sur place pour enquêter. Celle-ci, aidé par un chasseur du coin, va mener l’enquête et vite se retrouver dépassée par les événements. Notons d’ailleurs les similitudes entre le personnage d’Emily Blunt de Sicario et la Jane Banner de ce film-ci (Elizabeth Olsen, décidément convaincante quoiqu’elle fasse), deux femmes travaillant pour le FBI, arrivant dans des milieux difficiles avec des convictions se retrouvant vite piétinées par la réalité d’un terrain qui les dépasse. Sans pour autant taxer Sheridan de misogyne, loin de là, force est de constater qu’il écrit des personnages de femmes rapidement mises à mal par un monde hostile d’hommes. Non pas qu’elles soient fragiles mais elles semblent en tout cas au-dessus de toutes ces bassesses, semblant ne pas les comprendre quand les personnages masculins de Sheridan (à l’image de Jeff Bridges dans Comancheria) ont l’air de mieux piger la réalité du monde dans lequel ils évoluent.

Avec Wind River, le scénariste et cinéaste signe un film émouvant, réflexion sur l’Amérique des délaissés mais aussi sur le deuil, avec un personnage principal (Jeremy Renner, excellent quand il s’éloigne des blockbusters où il a tendance à se noyer) touché par le chagrin. S’il a parfois du mal à faire monter la tension (difficile de passer après Denis Villeneuve et David Mackenzie en terme de mise en scène), Taylor Sheridan surprend en s’intéressant une fois de plus à ses personnages et à leurs fêlures plutôt qu’à l’enquête en elle-même, résolue assez facilement et assez cruellement. Sans être un grand film, voilà bien la preuve que Taylor Sheridan se construit une solide carrière de scénariste avec un point de vue unique sur l’Amérique, bardée de mélancolie et de solitude.

1 Rétrolien / Ping

  1. Box-Office US du 08/09/2017 au 10/09/2017 - Close-Up Magazine

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*